Au revoir, Madame...
Il y a 10 ans, dans un café du Marais, je buvais un chocolat chaud en attendant mon amoureux...J'étais loin dans mes pensées quand une voix me ramena sur terre...Une voix qui me rappelait mon enfance.. Le film du dimanche soir, calée dans le fauteuil contre Mado. Une voix inimitable, reconnaissable entre toutes...Je levais la tête et je vis une femme, petite, frêle, attablée seule, qui papotait gentiment avec le garçon. Âgée certes, changée aussi, mais toujours ce sourire, ce regard... Toujours aussi belle, toujours aussi vraie. Dans ma tête défilaient des images, Annie avec Noiret, avec Delon, avec Gabin, avec De Funès, avec Ventura... Tous ces films fabuleux que nous n'oublierons jamais... D'autres habitués sont rentrés, sont passés la saluer, certains se sont assis près d'elle. Une chaleur se dégageait de ce petit bout de femme, une atmosphère l'entourait, quelque chose d'indéfinissable, de profondément vivant. Je mourrais d'envie d'aller la voir, de lui dire merci pour tous ces souvenirs si beaux qui me faisaient monter les larmes au yeux ou me mettaient le sourire aux lèvres. J'aurai pu rester là et l'écouter des heures... Je n'ai pas osé, et je suis partie à reculons, en la regardant jusqu'au dernier moment...
Je l'ai revu plusieurs fois, au café, dans la rue, chez nos amis qui tenaient son restaurant chinois préféré... Dans ce quartier qui l'aimait...
Qu'elle soit devenue le symbole de la maladie d'Alhzeimer m'émeut particulièrement...Cette maladie que je connais malheureusement trop bien... Son regard, le geste du bout de son doigt sur sa tempe pour signifier qu'il est zinzin au monsieur qui lui annonce qu'elle a tournée 217 films et qu'elle est une actrice connue...N'y pensons plus.
Pour l'éternité, elle rentre sur un plateau, quelqu'un crie " Moteur " et elle nous éblouit de sa présence...
Merci, Madame Girardot...